UNE ÉCRIVAINE CHEZ LE PEINTRE

Louise Dufour

Photographie choisie par Louise Dufour pour accompagner ses poèmes.

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TABLEAU 1

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L’homme qui a peint ce tableau

Ne savait pas ce qu’il faisait.

Lorsqu’il m’a entaillé le bras

Pour y prendre le rouge,

Mes dents ont presque mis en pièces

Son cœur blanc.

Il n’a pas réagit

N’a-t –il pas conscience de la mort?

N’a-t-il pas conscience de la vie?

Mes yeux ont observé sa face de guerrier :

Il est pure pulsion

Il vit, il meurt dans l’équanimité

Que doi-je faire?

Je ne veux plus le tuer.

Ni demeurer

Avec lui à l’infini dans l’insondable.

Ma conscience s’est révélée :

Je vais sans répit parler de lui.

Mon sang a giclé dans sa veine

Ma poitrine abrite son cœur vivant.

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TABLEAU 2

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Il est venu.

Il étais juste là, au creux de mon bras.

Les cheveux épars dans la brise sèche,

Le visage tendu, avide de mon souffle tiède.

Les yeux clos, il dormait.

J’ai glissé mon pouce le long de sa peau

Pour l’attendrir et la coussiner.

J’ai nettoyé tous ses tuyaux.

Ils ont donné des bruits de clarinette, de flûte et de hautbois.

Même de gros trombone. Ho! Ho!

J’ai aussi entendu l’Ocarina

C’est très rare. C’était troublant, c’était la première fois…

J’ai pris sa tête entre mes doigts,

J’ai versé sur lui l’ars mélodica

Pour le rendre meilleur – c’est lui qui le souhaite.

Je l’ai bercé un peu plus longtemps que de coutume.

J’ai souri  à la pensée de tous ses désirs.

Je me suis tant attendrie

Sur sa candeur d’homme batailleur

Que j’en ai ri jusqu’au hoquet!

Il a sursauté dans son sommeil, dérangé.

Je l’ai redéposé sur son nuage.

Je suis si près du soleil, mon ange.

Il te faut rentrer maintenant.

Un jour, il comprendra.

Oh, qu’il ne se presse pas pour moi!

Il est si beau vu d’en haut…

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TABLEAU 3

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Il a prit son cyborg

Et le concentra droit sur Détroit

Il dévia sur la côte est

Vers la mer

Anna…

Il a prit son cyborg

Et le concentra droit sur Détroit

Il atteignit la Place Bleue

Un ballon rouge passa au-dessus de lui

Il suivit sa trajectoire jusqu’en périphérie

Anna…

Il a prit son cyborg

Et le concentra droit sur Détroit

Il retrouva la Place Bleue

Suivit le gyrocompas vers le nord

La pluie se mit à tomber

Ils coururent se réfugier en riant

Anna…

Il a prit son cyborg

Et le concentra droit sur Détroit

À l’intérieur du lieu

Il se plaça sous le distillateur

Elle le lava sous la douche

Avec du savon au parfun de magnolia

Elle prit son cyborg entre ses mains

Et fit mine de lui montrer son ventre plein

Anna…

Il a prit son cyborg

Et le concentra droit sur Détroit

Le distillateur d’expérience

Vaporisa sur lui l’eau la plus pure qui soit

Elle instilla en lui la vision de la Grande Glace

Il quitta Détroit à la faveur du matin

L’eau lui avait fait cadeau de la lucidité

Il savait qu’il avait aimé Anna

De l’amour le plus pur qui soit.

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TABLEAU 4

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Ta muse est immortelle maintenant

Comme, à la chasse, la biche

                        Tu touches

La texture de l’infini

                                                                                                     Tu glisses

                                                                            Dans la gaine du temps

Tu irradies

                  La couleur originelle

                                                                                                Tu t’enfonces

                                                                                          Dans l’éternité

Ta muse est immortelle maintenant

Comme, à la chasse, la biche

                                 Tu touches

Sa peau s’excite

                                                                                                     Tu glisses

                                                                 Son sexe répand l’oing

                                                                                                Tu irradies

                                                                     Elle veut la brûlure

                                Tu t’enfonces

elle te garde en vie

Ta muse est immortelle maintenant

Comme, à la chasse, la biche

Tu touches la texture de l’infini

                            Tu glisses dans la gaine du temps

                                                      Tu irradies la couleur originelle

                                                                                     Tu enfonces dans l’éternité

Ma peau s’excite mon sexe se répand l’oing je veux la brûlure je te garde en vie

Ta muse est immortelle maintenant

Comme, à la chasse, la biche

Ta muse est immortelle maintenant

Comme, à la chasse, la coupe d’or…

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© Louise Dufour

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